Le pied, un chef d'œuvre d'ingénierie et une œuvre d’art

Cela fait maintenant plus de 10 ans que je suis préparateur physique et que j'accompagne des sportifs dans de nombreux sports dans le but d'améliorer le mouvement et la performance. Dans 100 % des cas, travailler le pied a été une bonne idée !

 

Le pied est une structure magnifique mais très complexe.

Dans le domaine de la posturologie, le pied joue un rôle bien plus important qu'un simple maillon de la chaîne posturale. En tant qu'effecteur et capteur, le pied occupe une position cruciale, étant en contact direct avec le sol. Cette petite surface est en quelque sorte le point de connexion entre notre corps et le sol, ce qui en fait un acteur essentiel dans divers domaines tels que l'entraînement physique, la performance sportive, mais également dans le maintien de la stabilité posturale.

Le pied fonctionnel est donc d'une importance capitale, car il influence directement la fonctionnalité globale du corps. Un pied présentant des dysfonctionnements peut entraîner des perturbations dans l'ensemble du système corporel, ce qui peut être problématique lorsque nous nous intéressons au mouvement et à la performance physique.

 

Evolution du pied humain

“Le pied humain est un chef d'œuvre d'ingénierie et une œuvre d’art” L. Da Vinci

L'histoire de l'évolution du pied est passionnante et peut être divisée en deux parties : la phylogénèse, c'est-à-dire l'évolution de l'espèce, et l'ontogenèse, qui représente l'évolution propre à l'individu.

 

Sur le plan phylogénétique, l'une des étapes marquantes qui nous a distingués de nos ancêtres chimpanzés est le passage de la vie dans les arbres à la bipédie, il y a environ 6,5 à 5,5 millions d'années. Les premiers bipèdes permanents étaient les australopithèques, dont les orteils n'avaient plus de caractère préhensile. Cette évolution a entraîné diverses modifications et adaptations du pied en tant que tel, et certains chercheurs, comme Olivier Donnars, considèrent cela comme une véritable révolution biomécanique. Il est intéressant de noter que cette évolution du pied a également des liens avec l'origine des réflexes primitifs, notamment les réflexes d'agrippement palmaire et plantaire.

 

Un fait marquant mis en évidence par la paléontologie est que l'évolution de l'Homme n'a pas commencé par la tête et l'intelligence, mais par la capacité à se tenir debout.

Cette station debout a été rendue possible grâce à l'évolution du pied. Cela signifie que l'évolution vers l'Homme, tel que nous le connaissons aujourd'hui, a débuté non pas par le développement de la boîte crânienne, du cerveau et des fonctions supposées plus évoluées, mais par l'adaptation du pied.

Cette transformation a entraîné des adaptations biomécaniques au niveau du pied, mais aussi à d'autres niveaux du corps. Elle s'est accompagnée de modifications pelviennes, d'une diminution de la mobilité des orteils, d'un redressement des genoux, d'une augmentation de l'amplitude des mouvements articulaires, d'un développement de la boîte crânienne et de modifications des courbures vertébrales pour permettre une station érigée.

 

 

Revenons maintenant sur le pied lui-même ! Le pied a évolué d'un rôle de "préhension" et de "grimpeur" chez les chimpanzés pour devenir progressivement un "petit marcheur", un "grand marcheur", puis un "bipède permanent" avec les australopithèques. Homo habilis a marqué un stade où le pied devenait totalement "humain", suivi par Homo erectus avec des mains et des pieds très spécialisés.

 

Aujourd'hui, le pied humain remplit trois fonctions principales, comme définies par E. Legeard :

  1. Absorber la force de réaction au sol.
  2. Emmagasiner l'énergie élastique.
  3. Transmettre au sol la force musculaire de l'impulsion.

 

Il est fascinant de réaliser que le pied humain est le fruit d'un long développement phylogénétique ! Mais ce qui est encore plus remarquable, c'est que le pied de l'homme adulte est également le résultat d'un processus d'apprentissage ontogénétique. La création de l'arche plantaire et les fonctions du pied se mettent en place durant l'enfance. Un pied plat à la naissance et dans la petite enfance est tout à fait normal ! C'est par l'intégration des différents réflexes primitifs comme le réflexe plantaire et le réflexe de Babinski, ainsi que par les différentes stratégies motrices telles que le ramper et le quatre pattes, que l'enfant développe progressivement le pied tel que nous le connaissons à l'âge adulte.

 

C'est une évolution extraordinaire ! À présent, explorons plus en détail les caractéristiques actuelles du pied humain.

 

Caractérisitiques du pied humain

Le pied humain est une véritable prouesse anatomique et fonctionnelle qui le distingue des autres espèces animales. Pour mieux comprendre son importance, regardons quelques chiffres fascinants. Le pied humain compte :

  • 26 os
  • 33 articulations
  • 20 muscles intrinsèques (sans compter les muscles extrinsèques qui y sont également rattachés)
  • 112 ligaments
  • 7 200 terminaisons nerveuses

C'est incroyable de constater que près de 25% des muscles et des os du corps se trouvent sous la cheville, alors que le pied lui-même représente seulement 1% de la masse corporelle et supporte près de 99% du poids du corps. Cette répartition témoigne de l'importance capitale du pied dans la stabilité posturale et la locomotion.

 

Si on corrèle toutes ces donnés aux informations somesthésiques / proprioceptives telles qu'évoqués dans le cours qui aura lieu ce mardi 20 février (inscription gratuite: Lien d'sincription), le pied est une véritable autoroute sensorielle qui vient alimenter le cerveau. Elle vient alimenter la boucle sensori-motrice pour créer un output, la posture. Plus précisemment, ces informations vont provenir de :

  • Au niveau des fuseaux neuro-musculaires
  • Des organes tendineux de golgi
  • Des récepteurs de Ruffinni
  • Des récepteurs de Paccini

Selon les structures associées.

 

Précision concernant les fuseaux neuromusculaires (FNM). 

La réponse des fuseaux neuromusculaires à l’étirement n’est pas linéaire. Leur gain est 10 fois plus important pour des étirements de l’ordre du dixième de millimètre que pour des étirements de l’ordre du millimètre (Matthews et Stein, 1969). Cette donnée de la physiologie fondamentale est couramment utilisée chez l’homme dans les expériences de vibrations musculaires (Roll, 1981, Roll et Vedel, 1982).

En d'autres termes, les FNM ne fournissent pas la même information en fonction du degré d'étirement. Leur réponse est 10 fois plus grande pour de petites déformations (de l'ordre du dixième de millimètre) que pour de grosses déformations (de l'ordre du millimètre).

Pour illustrer cette idée, on pourrait dire qu'on obtiendra beaucoup plus de réponses sensorielles avec une aiguille qu'avec un caillou. C'est une image pour souligner que les petites déformations sont détectées de manière beaucoup plus sensible que les grandes déformations. Il est donc crucial de porter une attention particulière à ce que nous mettons sous nos pieds, que ce soit en termes de semelles ou de chaussures. Ces choix peuvent influencer significativement notre perception du sol et notre stabilité posturale. C'est d'ailleur l'objet d'un autre article écrit par Adrien sur le sujet: Lien.

 

Rôles & fonctions

Le pied est une structure complexe, que l'on pourrait qualifier de mosaïque, polyarticulée et compliante, selon les propos de Cornu en 2000. En termes plus simples, le pied humain est le résultat de son évolution et il remplit des fonctions qui sont propres à l'Homme : la locomotion bipède, ainsi que le soutien et la stabilité posturale en supportant tout le poids du corps.

Il forme avec l'œil ce que l'on appelle l'axe visio-podal, ce qui en fait le premier, ou le second, grand capteur de la posture et de la stabilité posturale pour le mouvement.

 

“Ce qui compte dans un vase, c’est le vide au milieu” Sartre. Pour le pied, c’est un peu la même chose. Le creux de la voûte plantaire, rappelons-le, est un acquis de développement tant phylogénétique qu'ontogénétique, et c'est ce creux qui permet à l'homme d'exprimer ses aptitudes spéciales. On peut le comparer à un ressort naturel qui remplit trois fonctions principales, telles que définies par E. Legeard :

  • Absorber la force de réaction au sol, c'est-à-dire l'amortissement ;
  • Emmagasiner l'énergie élastique ;
  • Transmettre au sol la force musculaire de l'impulsion, permettant ainsi la propulsion.

Toutes ces fonctions sont essentielles pour maintenir la stabilité posturale, faciliter la marche bipède et réaliser d'autres mouvements comme la course, le saut, et bien d'autres encore.

 

Le pied présente également un intérêt particulier, car il représente le point de suspension terminal du pendule inversé, un concept développé par B. Bricot. Celui-ci s'équilibre sur un triangle de sustentation harmonieux formé par les deux pieds, et cela contribue grandement à notre équilibre global et à notre capacité à nous maintenir en mouvement.

Le mot de la fin

Avant d'arriver à des situations que nous pouvons mettre en place à l'entrainement, il est important de rappeler que le pied, avec ses nombreux muscles et ses trois arches (transversale, longitudinale externe et interne), est souvent négligé dans la préparation physique et le coaching sportif, alors qu'il devrait occuper une place essentielle dans les programmes d'entraînement. Maintenant, vous comprenez pourquoi ! Le pied est le résultat d'une évolution de millions d'années, bien avant l'évolution de l'intelligence humaine. Une réalité à méditer !

 

P.S.: Bien qu'important, le pied n'est qu'une composante d'une équation bien plus vaste : le corps humain

 

 

C'est tout pour moi ! 

 

Seb

Quelques situations à l'entrainement